« La culture organisationnelle et les accidents sont inextricablement liés et, en définitive, la gravité et la fréquence des accidents reflètent la culture d’une organisation«
Prof. Patrick Hudson, Praticien et expert international de la sécurité
La sécurité au travail, un enjeu pour tous
La sécurité au travail est souvent perçue comme une question purement systémique et technique : équipements de protection, procédures, modes opératoires, formations… Toutefois, derrière ces éléments tangibles se cache un facteur intangible déterminant pour la prévention des accidents : la culture sécurité.
Qu’est-ce que comprend vraiment la culture sécurité ?
La culture sécurité désigne l’ensemble des croyances, comportements, attitudes et pratiques d’une organisation envers la sécurité. Elle reflète la manière dont la sécurité est perçue, intégrée et appliquée au quotidien par les employés et la direction.
Un rôle majeur dans votre organisation
Malgré son rôle central dans la démarche de prévention, elle est souvent négligée, non mesurée et laissée à l’appréciation subjective. Or, son évaluation et son amélioration représentent des leviers pour réduire significativement les risques et les accidents en entreprise.
L’analyse des accidents du travail démontre que les aspects humains et comportementaux, associés à une culture sécurité mal ancrée sont à l’origine de nombreux accidents. Au-delà de l’opérateur qui n’aurait pas respecté une règle de sécurité fondamentale, les comportements de la ligne managériale sont également mis en cause.
Pourquoi est-ce important de connaitre le niveau de maturité de votre organisation ? Comment mesurer efficacement votre niveau de maturité et agir en conséquence ? Cet article explore ces questions essentielles.
La culture sécurité, un levier pour améliorer vos performances
Les études démontrent que les comportements à risque tels que la non-utilisation d’équipements de protection individuelle, le non-respect des procédures ou la prise de risques inutiles, ainsi que le manque de vigilance sont responsables de nombreux accidents.
Les biais cognitifs impactent l’exposition des salariés

Les défauts comportementaux peuvent avoir plusieurs origines, en premier lieu, des recherches ont montré que les biais cognitifs avaient un impact négatif sur les comportements et les réactions du personnel. La notion de biais cognitif est un mécanisme de la pensée qui entraîne une perte d’objectivité qui fausse les comportements, et induit des prises de décision irrationnelles via une altération du jugement, de l’attention, du raisonnement, de l’évaluation et de l’interprétation logique.
Des exemples concerts de biais cognitifs appliqués à la thématique sécurité au travail :
- Le biais de sur-confiance, il s’agit de la tendance à sous-estimer le niveau de risque, voire à nier son existence.
- L’illusion de contrôle, une situation dans laquelle une personne est persuadée de disposer d’un pouvoir de contrôle sur son environnement et sur des phénomènes aléatoires.
- Le biais d’optimisme, une tendance à percevoir l’occurrence des événements positifs comme plus probable qu’elle ne l’est en réalité et inversement à penser que les événements négatifs sont moins susceptibles de nous arriver qu’il n’en soit en réalité (Taylor & Brown, 1994).
- L’illusion d’invulnérabilité, un biais cognitif qui nous conduit à croire que nous sommes justement moins victimes de biais que les autres personnes.
Les incidents et le comportement humain
En complément, nous pouvons citer les études conduites par James Reason sur les modèles de l’erreur humaine et du fromage suisse, dans lesquelles il a démontré que la plupart des incidents sont liés à une chaîne d’événements qui commence par un comportement humain défectueux ou une mauvaise culture sécurité. Des analyses d’incidents en industrie chimique, nucléaire ou aéronautique montrent qu’un grand nombre de ces événements sont dus à des défaillances dans la communication de la sécurité, des erreurs humaines et un manque d’engagement des employés et de la direction. Ci-dessous la figure présentant la taxinomie de l’erreur humaine selon James Reason.

Ensuite, les habitudes et la routine peuvent également conduire les travailleurs à adopter des comportements imprudents, même lorsque la sécurité est clairement définie, le cerveau se met en « Pilote automatique » et réduit considérablement le niveau de concentration.
Enfin, l’absence de responsabilité individuelle peut conduire à des comportements de négligence, car les employés ne ressentent pas le besoin de respecter ou de faire respecter les règles de sécurité.
La prise en compte des facteurs organisationnels et comportementaux est-elle la solution ?
Dans une organisation avec une culture sécurité défaillante, le personnel est amené à minimiser les risques ou à adopter des comportements qui ignorent les règles de sécurité, à ne pas signaler les situations dangereuses ou les presqu’accident, ce qui les laisse souvent se transformer en accidents graves.
Pour maitriser le risque d’accident, en complément des investissements liés à l’animation d’un système de management de la sécurité et la mise à disposition d’équipements de travail adaptés, il devient primordial de mettre en avant les facteurs organisationnels et comportementaux.
Le développement d’une telle démarche passe par une évolution des attitudes, une sensibilisation continue et un engagement fort à tous les niveaux de l’organisation. Une entreprise qui établit une culture sécurité solide aura une réduction significative de ses accidents car la sécurité deviendra un réflexe partagé et ancré dans les comportements quotidiens de tous les employés
Les enjeux associés au développement de la culture sécurité
La définition et la mise en place d’une dynamique collective pour réduire les risques au quotidien demandent un engagement à long terme, mais ses bénéfices sont nombreux. Pour les entreprises, il s’agit d’un défi stratégique, organisationnel et humain qui dépasse la simple conformité réglementaire. Les principaux enjeux identifiés sont présentés ci-après :
Enjeux organisationnels et stratégiques

L’adhésion de la direction : Un engagement fort et visible de la direction est indispensable. Sans cet engagement, les initiatives de sécurité risquent d’être perçues comme secondaires par rapport aux objectifs de production.

L’équilibre productivité et sécurité : Il est impératif de concilier les objectifs de production avec les exigences de sécurité. La pression pour atteindre les objectifs peut inciter à prendre des raccourcis au détriment de la sécurité.

L’allocation des ressources : Les investissements dans la formation, les équipements de travail, la création de procédures et l’animation du système de management de la sécurité nécessitent des ressources financières et humaines.

La pérennisation : Comme pour tout projet, le maintien de l’élan et de l’engagement envers la sécurité doit dépasser l’enthousiasme initial du programme. L’uniformisation du niveau de compétence sur les thématiques sécurité constitue un levier pour développer une culture commune et pérenniser la démarche.
Enjeux humains et culturels

Le changement des comportements : La modification des habitudes de travail ancrées depuis longtemps est complexe. Les collaborateurs peuvent résister au changement par confort ou par peur de l’inconnu.

La communication efficace : La mise en place et la pérennisation de canaux de communication bidirectionnels qui encouragent le signalement des problèmes et la remontée d’information sans crainte de représailles est primordiale.

L’intégration multiculturelle : Dans les entreprises internationales, l’adaptation des pratiques de sécurité aux différentes cultures et contextes locaux tout en maintenant des standards cohérents requiert une attention particulière.

La responsabilisation : Pour assurer la pérennité, chaque membre de l’organisation doit se sentir personnellement responsable de sa propre sécurité et de celle des autres.
Enjeux techniques et opérationnels

L’évaluation des risques : L’identification et le suivi d’indicateurs pertinents pour mesurer la performance sécurité au-delà des statistiques d’accidents sont des activités complexes.

L’adaptation aux nouvelles technologies et risques : La prise en compte des risques émergents liés aux nouvelles technologies pour faire évoluer la culture sécurité.
Enfin, d’un point de vue social et économique, le développement de la culture sécurité représente plusieurs bénéfices, l’amélioration des conditions de travail réduit l’absentéisme, les coûts liés aux accidents sont maîtrisés et la productivité augmente. Et une entreprise reconnue pour sa performance en matière de sécurité attire et fidélise davantage ses talents et ses clients.
Pour relever ces défis, il est nécessaire de suivre une méthodologie et d’approche une approche systémique ainsi que de la patience et une vision à long terme, la culture sécurité se construit progressivement plutôt que par des changements radicaux immédiats.
L’évaluation du niveau de maturité de la culture sécurité
Face aux différents défis mis en lumière précédemment, la démarche d’évaluation de la maturité de la culture d’une organisation s’avère être la première étape obligatoire pour faire un état des lieux de la situation, avant d’entreprendre le développement d’un plan d’action.
La collecte de données
L’évaluation du niveau de maturité permet de recueillir des données, de quantifier des affirmations qualitatives sur la perception et les croyances de l’ensemble du personnel selon une dizaine de thématiques, en utilisant principalement une échelle d’appréciation (Pas du tout d’accord à Tout à fait d’accord) et de priorisation.
Les résultats de l’évaluation permettent d’identifier les faiblesses de l’organisation et les forces ou axes d’amélioration à valoriser, afin de définir des actions concrètes pour améliorer les performances de l’entreprise.
Comment évaluer le niveau de maturité de votre organisation en 5 étapes ?
A la fin du projet, vous serez en mesure de répondre aux questions suivantes :
- La culture sécurité de notre organisation est-elle propice à des opérations sûres et efficaces ?
- Le personnel comprend-il bien nos exigences en matière de sécurité ?
- Nous concentrons-nous sur les bonnes questions ?

Le questionnaire comme canal de communication interne
Dans la mesure où la première étape consiste à recueillir la perception du personnel, l’utilisation d’un sondage anonyme s’avère être l’outil le plus approprié.
Le sondage contient une centaine de questions sur 14 dimensions de la culture sécurité telles que : Leadership & Management, Dangers & Situations dangereuses, Compétences, Gestion des sous-traitants… Il est également possible de personnaliser le contenu en ajoutant ou adaptant certaines questions pour qu’elles reflètent au mieux votre organisation et permettent au personnel de s’identifier plus aisément et donc de favoriser leur adhésion.
Ci-dessous quelques exemples de question :
Echelle d’appréciation
Les rôles et responsabilités en matière de sécurité sont clairement définis.
L’organisation et les ressources mises à ma disposition me permettent de réaliser mes activités sans ressentir de pression qui compromettrait ma sécurité.
L’entreprise prend des mesures efficaces pour s’assurer que mon environnement de travail soit sécuritaire.
Numérique
Dans les 6 derniers mois, combien de situation dangereuse avez-vous remonté ?
Priorisation
De mieux communiquer sur nos incidents et d’apprendre de nos erreurs.
Le sondage est ouvert durant une période donnée, suffisamment grande pour recueillir un nombre de réponse représentatif de la population interrogée.
A la suite, une période d’analyse des résultats permet de dégager une première tendance sur le niveau de culture sécurité, et d’identifier les thématiques prioritaires, les forces et les faiblesses.
La visite de site
Les observations terrain
En complément, des observations terrains sont réalisées pour analyser les comportements et les pratiques lors des activités quotidiennes, cela permet d’identifier les écarts entre les procédures et la réalité opérationnelle.
Entretiens individuels et groupes de discussion
Enfin, des échanges avec les employés (personnel et/ou collectif) sont programmés pour comprendre leurs perceptions et leurs attentes, en orientant la discussion selon les résultats au questionnaire.
L’analyse & le rapport
L’ensemble des données recueillies sur les différentes thématiques sont croisées pour statuer sur le niveau de maturité de culture sécurité de l’organisation en s’appuyant sur le modèle de Hudson-Parker : expert en sécurité organisationnelle, il a développé un modèle de maturité de la culture de sécurité, souvent représenté sous la forme d’une échelle à cinq niveaux. Ce modèle aide les organisations à évaluer et améliorer leur culture de sécurité en identifiant leur position actuelle et en fournissant des orientations pour progresser vers une culture plus mature.

Les cinq niveaux de maturité selon l’échelle d’Hudson sont :
Génératif : La sécurité est intégrée dans la culture organisationnelle. Elle est considérée comme une valeur fondamentale, et tous les membres de l’organisation, à tous les niveaux, participent activement à son amélioration continue.
Pathologique : La sécurité est perçue comme une contrainte. L’organisation adopte une attitude du type « pas vu, pas pris ».
Réactif : L’organisation reconnaît l’importance de la sécurité, mais n’agit qu’en réponse aux incidents.
Calculateur : Des systèmes et des processus sont mis en place pour gérer les dangers, mais l’accent est principalement mis sur les statistiques et les procédures.
Proactif : L’organisation anticipe les problèmes de sécurité et cherche activement à les prévenir avant qu’ils ne surviennent.
Feuille de route : Développement de la Culture Sécurité
Dans la dernière étape, l’organisation doit définir en lien avec sa stratégie d’entreprise et ses objectifs, les thématiques prioritaires, en s’appuyant sur différents paramètres qui sont discutés lors d’un workshop.
Enfin, l’organisation participe à un dernier workshop pour définir les actions spécifiques et la feuille de route d’amélioration de la culture sécurité.
Des exemples d’action pouvant être mise en place :
- Renforcer les formations en sécurité
- Faire évoluer la vision et la stratégie sécurité de l’organisation
- Améliorer la communication autour des risques
- Encourager un leadership exemplaire des managers
- Instaurer un système de récompenses pour les bonnes pratiques

Conclusion
Évaluer votre culture de la sécurité est un levier essentiel pour préserver la santé et le bien-être de vos employés. En adoptant une démarche proactive, vous renforcez l’engagement de vos équipes et optimisez la performance globale de votre entreprise. Ne laissez pas la sécurité au hasard : évaluez, agissez et progressez !
Vous souhaitez être accompagné dans la mise en œuvre d’une culture sécurité efficace pour votre entreprise ?